Mon histoire – Ep 2 – L’Ecole du recrutement : une vision, une aventure et des larmes 

Le podcast sur mon histoire – Ep 2 Le résumé de mon histoire – Ep 2 Le podcast « Il était une fois l’entrepreneur » est l’ex podcast « l’apprenti », le podcast des histoires d’entrepreneurs. Dans ce 2e épisode sur mon histoire, je vous raconte les aventures, de Link Humans à l’Ecole du recrutement, du succès aux larmes […]

Le podcast sur mon histoire – Ep 2

Le résumé de mon histoire – Ep 2

Le podcast « Il était une fois l’entrepreneur » est l’ex podcast « l’apprenti », le podcast des histoires d’entrepreneurs. Dans ce 2e épisode sur mon histoire, je vous raconte les aventures, de Link Humans à l’Ecole du recrutement, du succès aux larmes après un quasi burnout.

Depuis la séparation avec Jean-Christophe, je bosse comme un dingue avec le seul salarié qui me reste, Nicolas Galita.

En avril 2015, nous partons en Irlande pour commencer à faire des vidéos en français pour une plateforme de formation au recrutement.

Mais le deal ne se fait pas. Les irlandais de Social Talent sont trop gourmands.

En juin 2015, je décide donc de ma lancer seul avec Nicolas et Laurent Cebarec, qui nous rejoint pour vendre notre solution.

Le problème ?

Nous n’avons plus rien à vendre.

En 3 mois, nous montons une plateforme de formation avec plus d’une centaine de vidéos… et après des débuts chaotiques et un design franchement pas joli, nous engrangeons nos 1ères ventes.

Et c’est le décollage.

De 250 000 euros à 750 000 euros de CA, Link Humans accumule un trésor de guerre.

Puis en 2018, nous ouvrons une école avec des étudiants et l’équipe grossit, et les coûts aussi.

Les problèmes de trésorerie s’accumulent.

Malgré un prêt de 250 000 euros, en octobre 2019, l‘Ecole du recrutement (le nom Link Humans ayant été abandonné) risque la cessation de paiement.

Une rencontre dans une soirée à Avignon, change le destin de l’Ecole du recrutement avec la rencontre de « redresseurs d’entreprise ».

Mais pour moi, Laurent, la messe est dite. Je souffre dans mon rôle de dirigeant et j’ai des difficultés pour vraiment manager.

Puis avec la Covid, LEDR explose ses résultats commerciaux et rembourse ses dettes.

L’entreprise survit.

Mais le mal est fait pour moi.

Il est temps de partir.

Le départ ne sera pas de tout repos. Entre larmes et colère.

Mais une conclusion juste pour moi.

Mon histoire – Ep 2 – L’Ecole du recrutement : une vision, une aventure et des larmes 

23 septembre 2020. 16h38.

Paris 8e. arrondissement.

Chambre de commerce Franco-suédoise.

Septembre est étonnamment frais cette année, et le vent qui souffle sur le rooftop du bâtiment nous fait tous rentrer la tête dans les épaules.

La Tour Eiffel au loin ne fait que renforcer notre impression de petitesse.

Nous sommes 12. Serrés et comme accrochés autour d’une table de jardin, comme si nous allions tomber. 
Tout le monde se tait mais chaque visage semble crier. 

Je prends la parole, une dernière fois.

Des sanglots montent dans ma voix.

Je réussis à dire une phrase:

« J’aurais aimé que les choses soient différentes, j’aurais aimé partir dans d’autres conditions. »

Je fonds en larmes. Oui ce sont bien mes larmes que je verse.

Je vous emmène aujourd’hui sur les traces de mon aventure entrepreneuriale, 2e épisode: l’Ecole du recrutement, une vision, une aventure et des larmes. 

J’ai lancé un Patreon donc si vous voulez m’aider pour financer le podcast, pensez bien à cliquer ici. Un grand merci !

=> https://www.patreon.com/lapprenti

Pour retrouver l’épisode 1:

L’épisode 1 : Link Humans, de la création à la séparation

Table des matières

Irlande: un nouveau modèle d’entreprise

Une décision difficile

Croissance et école

Argent et leadership

Sauvés ? Oui mais pas moi

Le départ

Epilogue: la vente

Irlande: un nouveau modèle d’entreprise

Janvier 2015

Je viens tout juste de me séparer de Jean-Christophe, mon associé.

Des trois personnes qui travaillaient avec nous, seul Nicolas a choisi de me suivre.

« Pour le fun – a-t’il dit. « 

Moi, je rigole moins. 

Clémence ma fille vient de naître. 

Je n’ai pas d’autre choix que de réussir.

Je travaille chaque jour comme un fou.  
Le week-end ? J’écris des articles
Le soir ?  J’organise des événements.

Je passe mon temps au téléphone et sur LinkedIn.

Je n’arrête plus.

Je suis lancé dans un tunnel loin de ma famille. Je fais pourtant tout cela pour eux.

Petit à petit, je sens que les choses bougent. 

L’action me rassure, et surtout elle commence à porter ses  fruits.
Les formations rentrent les unes après les autres.

Nicolas en donne 3 jours par semaine.

L’argent rentre.

Les premiers salaires sont payés avec l’argent récupéré de la cession. Les salaires suivants sont honorés grâce aux formations de Nicolas et à mon travail. 

Je fais même du conseil pour Total, j’organise 1 évènement dans 5 grandes villes en 5 mois… Je trouve même un sponsor pour nos évènements dédiés aux recruteurs. J’enchaine aussi des formations.

C’est de la folie.

On fait même des vidéos…

Dès la  première année, Link human France affiche 230 000 euros de CA. De deux personnes nous passons vite à trois.

Mais je vois plus loin.

Les formations en présentiel deviennent répétitives et requièrent beaucoup de ressources.
Je dois trouver un moyen de grandir.

Depuis longtemps, je suis une boite irlandaise, Social Talent. 

Précurseur, elle fait de la formation à distance via une plate-forme sur le recrutement. 

Je décide en février 2015 de les contacter et leur proposer de faire la version française de leur plateforme.

Banco ! 

Avril 2015, ils me proposent de  passer 1 semaine chez eux pour adapter leur contenu en français.

Vol réservé, Airbnb booké. À nous Dublin !

Sur place  nous attend une semaine de folie. On écrit le matin les vidéos que l’on tourne l’après-midi.  Le soir, sortie au Pub avec l’équipe irlandaise.

Une semaine chargée où je découvre Nicolas. Nous n’avons jamais été aussi longtemps ensemble. Je kiffe décidément ce type, sa bonne humeur et surtout son franc parler.

Le séjour se termine et nous voilà Nicolas, les deux fondateurs de Social talent et moi rassemblés autour d’un burger bien gras. 

Jonathan, le CEO, attaque direct 

« J’espère que vous avez passé une bonne semaine avec nous. Parlons maintenant business. »

J’acquiesce entre deux bouchées.

« Notre principe de partage de revenus est simple. Nous prenons 50% des revenus. Deal with it ! »

Je m’étrangle presque en entendant ça. 

« Impossible – je réponds d’emblée. »

Je lui réponds le regard fixé sur lui 

« Tu vois, nous apportons plus que du contenu. Nous apportons de la notoriété sur un marché ou Social Talent est encore inconnu !

Je pense que 60% pour nous serait envisageable. »

Il a écouté mon discours les yeux mi-clos. Dans un demi sourire il se penche vers moi et me glisse à l’oreille

 « Nous ne faisons jamais ça et ce n’est pas comme ça que l’on va se développer ailleurs. Donc non. »

La discussion s’arrête là.

Je regarde Nicolas, je ne sais plus quoi faire. 
Donner 50% de mon chiffre d’affaires à Social talent me paraît impossible.
Je retourne les chiffres dans ma tête, impossible de vivre avec ce qui reste. 

2 mois plus tard, je prends ma décision contre l’avis de mon seul salarié,

On y va mais seul. 

À bord, c’est la panique.

Je suis seul face à la décision la plus dure de ma vie.

Je saute dans le vide. 

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Une décision difficile

22 juin 2015.

Je suis attablé au Comptoir de l’Europe, une des deux brasserie de la rue d’Athènes dans le 8e à Paris. En face de moi, Laurent Cebarec. Le commercial qui doit vendre notre produit

Le seul problème ?

On n’a plus rien à vendre.

Ma décision de faire sans Social Talent a une conséquence immédiate. Nous n’avons rien. Pas de plate-forme, pas de contenu. 

Il me reste juste un salarié opposé à ma décision et les deux fondateurs de Social Talent qui, furieux, ne digèrent pas mon refus de travailler avec eux.

Malgré tout, ce matin-là, je vends mon projet à Laurent Cebarec. 

Maintenant il faut agir vite. 

Ma décision est là : nous allons tout faire nous-même. 

Pour nous forcer à être efficaces, je fixe arbitrairement le lancement de la nouvelle plate-forme au 15 septembre 2015.

Un  lancement prévu en lien avec un nouvel événement dédié au sourcing.

Je contacte un développeur talentueux, Alexandre. Il m’assure qu’il peut faire la plateforme en 2 mois. 

Le 16 juillet 2015, j’organise une réunion avec Nicolas, Laurent et Alexandre. 

On planche toute la journée pour définir les grands axes du projet et le nom du produit. L’accent est mis sur la simplicité de la plateforme.

Seconde étape, produire le contenu que l’on a pas. Soit 100 vidéos en deux mois.

Je contacte une société de formation à distance, LearnAssembly. Ils  acceptent de nous accompagner sur la réalisation  des vidéos en échange d’un partenariat.

Et me voici donc lancé. De juillet à  août, enfermé dans ma cave, je partage mon quotidien entre réalisation de slides et de vidéo. 
Matin, midi et soir. 
À mes côtés, Nicolas fait ses premiers pas en vidéo.

Laurent Cebarec, me propose de travailler avec nous sans être payé dans un premier temps.

Hors de question pour moi.  

Il bosse avec nous, il produit de la valeur, on doit lui payer un salaire !

CQFD.

J’investis  les dernières économies de la boîte, 20 000 euros soit 2 mois de chiffre d’affaires. 

15 septembre 2015

Nous sommes prêts. À peu près.

#TruAcademy, notre formation à distance est lancée. Je parfais le pitch.

Quatre mois plus tard, on signe nos 1ers clients : Dassault !!

Petit à petit notre chiffre d’affaires décolle, on commence à vendre pour plusieurs dizaines de milliers d’euros. Je respire mieux. 

Le produit et sa simplicité plaisent même s’il faut bien l’avouer rétrospectivement le design de la plate-forme laisse à désirer.

Quant au contenu des vidéos, si la qualité est au rendez-vous, mon style pêche parfois par excès de décontraction. J’ai notamment le souvenir peu glorieux d’une blague douteuse sur le  département 69.

Bref, sur le fond comme sur la forme, nous devons faire évoluer les choses. 

Avec les premières rentrées d’argent, nous embauchons une designeuse qui refait entièrement la plateforme. Il nous faut aussi quelqu’un pour accompagner les apprenants sur la plateforme, ce sera  Mohamed embauché en janvier 2016.

Début 2016, nous sommes donc 5.

Avec le recul, je sais que ne pas travailler avec Social Talent était la bonne décision.

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Croissance et école

Les années qui suivent le lancement confirment le démarrage. 

2015.  230 000 euros de chiffre d’affaires.

2016. 450 000 euros

2017. 750 000 euros. 

Link Humans dégage chaque année des bénéfices, 130 000 euros en 2017
Nous réussissons à accumuler un trésor de guerre de 230 000 euros. 

L’équipe s’est étoffée de son côté. Marion Cosar, qui vient d’Adecco nous rejoint sur la partie commerciale avec Lucile puis 2 développeurs, Melody et Pierre-Luc. Nous sommes 7 début 2017. 

Nous gagnons de l’argent et pourtant chaque année nous nous retrouvons avec un problème de trésorerie récurrent.

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La trésorerie représente l’argent qu’il y a réellement sur le compte. L’argent qui sert à payer les charges et notamment les salaires. 

Concrètement, nous dépendons des budgets formation des entreprises. Janvier et février sont donc des mois invariablement difficiles, les budgets n’étant pas encore finalisés. À plusieurs reprises j’ai dû faire face ces mois-là à une trésorerie à zéro avec des salaires à payer. 

À chaque fois, on s’en tire… mais paradoxalement plus le CA est élevé, plus le problème semble important.

En apparence, tout semble rouler normalement. 

Nos  événements pour les recruteurs cartonnent  avec plus de 2000 personnes dans 10 villes en France.

Notre formation à distance se vend de mieux en mieux et représente rapidement l’essentiel de nos revenus. Nous remettons même des diplômes.

Nous accélérons alors les investissements toujours sur fonds propres.

Nous changeons d’échelle, nous louons pour la première fois de grands locaux dans Paris. 

12000 euros par mois, auxquels il faut rajouter les charges de nouvelles embauches.

Nos coûts explosent, nos projets aussi.

22 avril 2018. Paris. 2e arrondissement.

Nicolas, Mohamed et moi sommes autour de la table pour discuter de l’avenir.

Dès l’entrée, l’enthousiasme est palpable

Nicolas lâche:

« On la lance cette école de recrutement ? »

Je le regarde un instant, méditatif.

Puis dans un grand sourire, je réponds 

« Oui, il est temps. »

Mohamed  acquiesce.

C’est parti, nous sommes alignés.

Mais lancer une école, n’est pas si simple.

Une école, c’est d’abord des étudiants et de fait personne ne nous connaît, nous ne sommes répertoriés nulle part. 

Très identifiés dans le secteur du recrutement, j’arrive à négocier avec une école du secteur RH qui accepte de nous louer son titre. Nous avons une marque. 

Il nous reste à trouver des étudiants et des entreprises. 

Cinq mois avant la rentrée, nous commençons à chercher des étudiants. Recruter notre première promotion se révèle vite être un enfer.

En revanche,  les entreprises nous connaissent et se bousculent au portillon.

Nicolas, de son  côté, crée de toute pièce le programme de formation.

Avec Mohamed nous partons à la chasse aux étudiants… Une bataille du quotidien entre les annonces qui ciblent les étudiants et l’obligation de  rassurer les entreprises sur les alternants.

En septembre  2018, seuls cinq étudiants ont signé… Dans l’urgence, je fais appel à  l’aide d’un cabinet de recrutement et nous en signons six autres in extremis. 

La première promo de l’école du recrutement démarre le 15 octobre 2018.

On entend même ces étudiants témoigner ici.

11 étudiants, c’est 70 000 euros de CA seulement….

En attendant, les problèmes d’argent s’accumulent.

Link Humans réalise  un CA de 950 000 euros en 2018 pour une perte de 100 000 euros.

Il faut trouver des solutions et vite.

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Argent et leadership

Emprunter de l’argent, pourquoi pas, même si à vrai dire l’idée me répugne. 

Je finis par m’y résoudre en désespoir de cause.

Courant 2018, je contacte  un banquier de la BNP. En bon financier, il scrute à la loupe les bilans de l’entreprise.
Ils sont bons.

Ce qu’il ignore, c’est que celui de 2018 est mauvais.

J’échange beaucoup avec  Nicolas sur le sujet, je finis par me dire que celà ne coûtera pas grand chose… et pourrait même nous sauver . 

Février 2019, la BNP avec la BPI nous prêtent un total de 250 000 euros.

Je me porte caution personnelle sur 40% des 200 000 euros de la BNP.

L’argent arrive au bon moment… nous brûlons à ce moment-là, 100 000 euros tous les mois pour 80 000 euros de rentrée.
Et logiquement, l’argent du prêt disparaît en 10 mois .

Novembre 2019, retour à la case départ sans toucher les 20 000 euros.

Nous n’avons plus d’argent.

Entre-temps, Link Humans est devenue l’École du recrutement. 

Un déchirement pour moi.

Quitter Link Human, c’est dire adieu à 7 ans.

Pourtant, je sais qu’il est temps de passer à autre chose.

Passer à autre chose pour la boite et sans doute aussi pour moi, même si à ce moment-là les choses ne sont pas aussi claires.
J’ai de plus en plus de mal à tenir mon rôle de dirigeant… 

J’ai naturellement toujours donné beaucoup de responsabilités aux équipes. Certains commencent même à me reprocher de les laisser se débrouiller. 

Plus le bateau grossit, plus il faut leadership. 

Je dois bien faire le constat que ce n’est pas mon truc. En vrai, si je suis honnête : je déteste ça.

Début 2019, l’équipe monte à 12 personnes. Jenny, une ancienne de Link Humans qui revient et Aurélien, un responsable marketing, que je fréquente depuis huit ans.

Ma vie de manager commence à m’étouffer petit à petit.

J’essaie de me conformer à un modèle, je me persuade qu’il faut échanger régulièrement avec les salariés pour les aider et mieux les comprendre. 

Bilan, je passe mes journées en rendez-vous individuels. 
Un exercice dans lequel je me révèle médiocre ou, au mieux, passable. C’est Nina qui le dit bien.

Ce que j’aime ? 

C’est réfléchir et élaborer à deux, et surtout pas écouter les gens.

Le constat est terrible pour moi. 

En 2019, je me sépare de 3 collaborateurs… J’ai beau m’astreindre à faire ça dans les règles de l’art, chaque séparation se solde par une nuit blanche suivie invariablement  de longues journées de déprime.

Je suis malheureux et les difficultés financières n’arrangent rien.

En octobre 2019, le couperet tombe. Au rythme de nos dépenses, il nous reste cinq mois de cash.

Depuis quelques mois, je ne suis plus là pour personne, ni salarié, ni même Nicolas mon associé. Je suis absent physiquement et mentalement.

Un matin de novembre 2019, je touche le fond.

Cette année là l’école du recrutement perd 220 000 euros.

Tout est foutu, je m’en rend compte, je n’arrive plus à trouver de solution.

Je m’effondre.

Durant 15 minutes, enfermé dans la salle de bain, je pleure.

Je regarde l’avenir avec lucidité.

Une boite en faillite,  des dettes personnelles… pas de  revenus. Impossible pour un dirigeant de toucher le chômage.

Mon destin va pourtant me faire mentir et c’est dans une soirée costumée qu’il va se révéler.

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Sauvés ? Oui mais pas moi

Samedi 12 octobre 2019. Avignon.

Minuit

Il fait encore bon, une soirée d’automne typique du sud.

J’arbore une chemise à fleurs et un pantalon pat def, j’ai l’air de sortir tout droit des années 70.

Est-ce l’ambiance, les quarante ans de l’amie qui nous reçoit ? Qu’importe je suis étonnement détendu ce soir là. 

La déprime s’estompe et le sourire revient devant la galerie de personnages qui se balade gaiement dans le jardin.

Perdu dans mes pensées, je ne fais pas attention au gros Rocker façon YMCA qui arrive sur ma droite un verre de sangria à la main.

« Ça t’ennuie de me tenir mon verre pendant que je m’allume une clope ? »

Aussi détendu que son costume, François se présente et très vite le courant passe. Nous sommes tous les deux entrepreneurs. 

Je lâche tout, les problèmes d’argent, mon management impossible, la boite qui coule.

Il m’écoute. 

Encore et encore.

Je vide mon sac.

« Tu sais » – me dit-il – « il y’a un an j’ai failli faire faillite. Deux types m’ont sauvé la mise : Samy et Laurent. 

Va les voir. »

Après cette conversation, il me faut encore quelques semaines pour me décider mais ai-je vraiment le choix ?

Je contacte Samy et après 10 minutes au téléphone,  il me dit cash

« Écoute ‘il faut faire un bilan précis de la situation mais avant tout, tu arrêtes de payer toutes tes charges ? »

« J’arrête toutes mes charges.. ? « 

« Tout, sauf les salaires. Loyer,TVA, URSSAF. Plus rien ne doit sortir de ta boîte. »

À la maison, je commence à recevoir des courriers de relance puis des courriers d’huissier… que je dois expliquer  à Gaëlle, ma femme.

J’enchaine les RDV.

Bientôt avocats et tribunal du commerce n’ont plus de secret pour moi.

Je prépare une conciliation, l’étape qui précède le redressement judiciaire.

Je suis soulagé pour la première fois depuis longtemps.

Je ne suis plus seul, Samy et Laurent m’épaulent. 

Pour eux, nous pouvons tenir jusqu’en mars 2020. Pas un mois de plus.

Toute l’entreprise se mobilise alors pour trouver des solutions.

Nous mettons le paquet sur la formation à distance qui est devenue certifiante.

Mars 2020

Pandémie mondiale

La France entière est confinée..

Et le gouvernement finance la formation de toutes les personnes en activités partielles.

De fait, notre formation devient gratuite pour la plupart de nos clients et prospects.
Ils  se jettent sur l’opportunité. 

Nous faisons 500 000 euros de CA en trois  mois.

La boite est sauvée.

Pas moi. 

Je coule.

Pris dans la tourmente des difficultés de la boîte, j’ai laissé la relation avec  Nicolas, mon associé, se dégrader. Je n’ai pas protéger notre relation.

Nous ne nous adressons quasiment plus la parole.

Je ne sais plus quoi faire.

Je songe bien un instant à laisser ma place à Samy, un des redresseurs de l’entreprise.

Sans rien acter ni décider.

Mon mal être apparaît aux yeux de tous.

Moi, je reste aveugle. 

Début mai 2020, l’équipe me signifie qu’il est temps que je fasse une pause..
Je me plie à leur conseil, bon gré, mal gré. 
Je suis au bord du burn-out, j’ai mal au ventre tous les jours.

Je ne supporte plus l’équipe ni la boite.

Je pars pour trois semaines, je pars pour le début de la fin. 

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Le départ

3 semaines.

Pendant lesquelles, je réfléchis beaucoup, j’écris.

Je ne veux pas arrêter l’école du recrutement. Je suis malheureux.

Je n’y arrive pas. C’est mon bébé. J’y ai mis de la sueur, du sang, des larmes.

À mon retour, la boîte s’est retournée, elle s’est sauvée. En mon absence. 

La procédure au tribunal de commerce est arrêtée. Nous négocions nos dettes

Moi aussi, je me sens redressé. 

Le retour à la réalité est pourtant dur. Je suis  désaligné avec toute la boîte. Petit à petit, je délaisse mes responsabilités les unes après les autres.

Je n’anime plus les réunions, j’arrête totalement les points individuels.

L’équipe passe beaucoup de temps à parler de ma situation… 

La boite passe trop de temps à parler de moi, beaucoup trop d’ailleurs.

Quelque chose cloche.

Juillet 2020

Deux jours de séminaires avec l’équipe. Deux jours pendant lesquels je reste quasiment muet. Étranger dans ma propre entreprise, je vis tout de l’extérieur.

Ça va passer. Mais non.

Je continue de me mentir.

Pendant mes vacances d’août, je prends ma décision; je dois  quitter LEDR, il est temps pour moi. Cela n’a plus de sens.

J’organise la suite. Je reste président et Marion assume les responsabilités opérationnelles. Dans ma tête les choses sont claires. Il me reste à les annoncer. 

23 septembre 2020.

Nous sommes tous là. Je dois parler de la  nouvelle organisation avec Marion.

Je suis perdu. 

J’annonce que parallèlement à mon rôle de président, je vais continuer à travailler dans le recrutement. 

Pourquoi ? Mais parce que je ne sais faire que ça !

En clair, j’annonce à mon équipe que je vais concurrencer ma propre boite.

L’équipe est folle. Elle se révolte d’emblée devant ce qui est pris pour une provocation.

Je ne le comprends qu’après. Mais le mal est fait.

La journée se poursuit, houleuse pour moi et pour l’équipe. 

La  journée finit, la conclusion s’impose  à tous : je dois quitter la boîte, vendre mes  parts aux salariés, quitter le monde du recrutement.

C’est aussi la meilleure option pour moi.

Treize ans que je fais du recrutement. et je ne sais rien faire d’autre. Mais j’ai besoin d’un nouveau souflle.

À 16h47 après un dernier adieu à tous, je les quitte les larmes aux yeux.

La fin pour moi et un nouveau départ pour l’école de recrutement.

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Epilogue : la vente

Le 17 octobre 2020. 11h03.

Je suis tendu.

Samy, notre redresseur d’entreprise, a fait une évaluation de la valeur de l’école du recrutement.

La négociation commence avec Marion qui représente les salariés et qui est devenue DG de la boîte.

Samy se connecte, son visage s’affiche à l’écran. Après les banalités d’usage, il attaque.

« Je pense, aux vues des chiffres et de ce que l’on va faire cette année, que l’école du recrutement vaut 1 millions d’euros. »

Le chiffre est lâché.

Je n’ai rien à dire. Je suis soulagé.

J’en possède plus de 80%.

Les salariés se regroupent dans une holding, ils sont 8, pour acheter l’entreprise. L’échéance de paiement est étalée sur quatre ans.

Le départ  se passe mieux, bien mieux que les derniers mois.

Petit à petit, je panse mes blessures.

Je commence alors une nouvelle thérapie et un travail personnel pour mettre des mots sur ce qui s’est passé.

Être entrepreneur est un chemin de vie qui m’a transformé en 10 ans… de Londres à cette terrasse venteuse de la chambre franco-suédoise.

Des pleurs à la peur  de l’échec en passant par la joie de réussir. 

D’une entreprise montée depuis mon lit  à une boite de 12 salariés qui fait quasiment 2 millions d’euros de CA.

Aujourd’hui je cherche, je cherche l’endroit idéal pour m’épanouir.

Et je l’ai trouvé… je suis conteur d’entreprises.

Merci à toutes et tous, à celles et ceux à mes côtés pendant toutes ces années.

Je ne vous oublie pas, vous faites partie de moi.

Et ça, ce n’est PAS une autre histoire.

Je remercie toutes les personnes qui contribuent au Patreon, Florent Letourneur Ingrid Muccignato Melina Moussali Mathieu Cherubin Alain Rochard Colombe Paland Guillaume Rigal Valentin Meunier Emmanuelle Larras Arthur Massonneau.

Retrouvez la suite de cette histoire: Hors-Série – La création du podcast de l’apprenti et les 6 premiers mois !