Eva Sadoun : la finance très engagée

Table des matières

Découvrez l’histoire d’Eva Sadoun et d’un projet qui va changer le monde: Lita.co.

Le podcast sur Eva Sadoun

La biographie de Eva Sadoun

1990 : Naissance de Eva Sadoun
2008 : ENS Cachan et Université Paris Nanterre
2010-2014 : EM Lyon avec spécialisation en finance et impact social
2014 : création de 1001pact avec Julien Benayoun
2017: 1001pact devient Lita.co
2020 : Lancement de l’application Rift dédiée à l’épargne responsable

Eva Sadoun : la finance très engagée

Eva

“Salut.

Je peux m’installer à ta table, c’est blindé aujourd’hui.”

Julien

“Ouais bien sûr.

Par contre désolé de t’apprendre que la purée du jour est carrément dégueu

C’est le dernier “Alternative éco” que tu as sous le bras?”

Eva

“Ouais, y a un article sur le développement des micro-crédits en Inde, c’est passionnant. Ce serait mon rêve de créer de la solidarité dans la finance.”

Julien

“Eh bien on est deux.

Moi c’est Julien by the way.”

Eva

“Eva.

D’ailleurs ça te dirait d’être dans mon équipe pour le prochain exposé d’éco sur l’impact social des banques ?”

Eva Sadoun, étudiante en classe préparatoire, vient de rencontrer Julien Benayoun. Ils rêvent tous les deux de changer le monde de la finance.

Elle ne le sait pas encore mais Julien, devient non seulement son meilleur ami mais aussi son futur associé.

Je vous raconte aujourd’hui l’histoire de Eva Sadoun, une jeune économiste sans doctorat, militante et activiste qui décide d’entreprendre pour changer le monde économique. Elle cofonde à 24 ans, LITA, la plateforme de référence en investissement durable.

La volonté de changer le monde

Professeur homme

“Oui, Eva. Quelle est ta question ?”

Eva

“Mais pourquoi on ne parle jamais des femmes dans les textes ?

Et pourquoi ce sont toujours des hommes qui écrivent ?”

Née en 1990, Eva développe dès son plus jeune âge une volonté de faire bouger les choses et une grande curiosité sur le sens de la vie.

Tous les dimanches matins de ses 6 à ses 13 ans, elle se rend aux cours talmudiques. Des cours qui la passionnent bien plus que l’école.

Ici, elle peut poser toutes les questions qu’elle veut.

Eva

“Papa, tu peux m’aider à monter sur la poubelle, je veux voir tout!

Waouh, y a plein de gens.

Dis Papa, Le Pen il va pas gagner ?”

2002. Eva a 12 ans et assiste à sa première manifestation.

A la surprise générale, Jean Marie Le Pen est au second tour des élections présidentielles.

Un vrai choc pour Eva et sa famille.

Un sentiment de révolte grandit dans le cœur de la jeune fille.

Eva

“Maman, ‘tain, tu m’as fait peur !”

Sa mère

“T’étais où Eva? T’as vu l’heure?

Tu as cours demain je te rappelle”

Eva

“J’emmerde le lycée”

Adolescente rebelle, les sorties au Gibus et les répétitions avec son groupe de musique passionnent bien plus Eva que le lycée.

Elle sèche volontiers les cours de physique-chimie pour se rendre aux manifs.

Mais en 2008, elle prend peur.

Mère d’Eva

“Comment ça le bac rattrapage? Mais tu comptes faire quoi de ta vie?

On t’a toujours soutenu mais là c’est plus possible.”

Eva

“Je sais pas quoi faire de ma vie. Je, …

Je suis dégoutée par la politique, je gagnerai jamais ma vie avec la musique même le conseiller d’orientation m’a dit que de là d’où je viens, j’aurai jamais une grande école.”

Et c’est finalement la crise financière de 2008 qui va sauver le destin d’Eva.

Eva

“C’est incroyable comment les marchés financiers peuvent déréguler la stabilité de la planète entière!

C’est n’importe quoi.”

C’est décidé elle veut tout comprendre de la finance et de l’économie.

Le bac de justesse en poche, Eva est admise en classe préparatoire pour l’ENS Cachan, en économie. Un cursus qu’elle double d’une licence en mathématiques à Nanterre.

Eva retrouve le goût d’apprendre. L’économie la passionne et elle rencontre surtout son binôme et meilleur ami qui va la suivre dans toutes ses futures aventures.

Julien

“ C’est le dernier “Alternative éco” que tu as sous le bras?

Moi c’est Julien by the way.”

Trois semaines plus tard, après avoir à peine fait connaissance, les deux amis décident de partir au Togo pendant les vacances d’été. Et ils créent ensemble une ONG pour récolter des fonds pour les écoles togolaises en manque de moyens et de professeurs.

Ce sera leur premier projet d’une longue série à venir, toujours ensemble.

Mais ce n’est pas toujours facile de se sentir soutenue dans ses convictions.

Examinateur

“Mademoiselle Sadoun, votre discours sur l’économie durable basée sur l’aide sociale est vraiment naïf. Vous ne pensez pas que les ONG ont un but purement ambulancier ?”

Eva

“C’est facile à dire quand on a le ventre plein !”

Examinateur

“Je vous demande pardon ?”

La sentence ne tarde pas à tomber. Eva rate l’oral de Normal Sup. La blessure du souvenir du bac au rattrapage s’ouvre à nouveau. Eva sait qu’elle a pourtant le niveau.

Elle a deux jours pour trouver un plan B.

Une femme

“Mademoiselle Sadoun, je ne comprends pas pourquoi vous avez refusé de venir à l’EM Lyon. c’est une des meilleures écoles de commerce.”

Eva

“Je ne sais pas, j’ai pas envie de faire du marketing, je ne vais pas me sentir à ma place”

La femme

“Vous savez, j’ai bien lu votre dossier, et nous avons un parcours d’entrepreneuriat social qui pourrait complètement vous correspondre”

Eva

“Ah?

Dans ce cas, auriez-vous toujours une place pour moi ?”

De la découverte de la finance sociale à sa réalisation : 1001PACT

Eva est acceptée à l’EM Lyon. Elle étudie alors la finance pour comprendre comment fonctionne le système. Elle découvre ce qu’est l’entrepreneuriat social et se passionne pour le sujet.

Au cours d’un stage chez BNP Paribas, elle découvre l’ONG Finance Watch qui promeut une finance au service de la société. Une révélation.

Eva

“Mon cher Ju, ce stage est incroyable, je suis maintenant vraiment convaincue que la finance peut vraiment servir la société.

Je te partage le slogan de Finance Watch, qui pourrait bien devenir notre futur mantra.

« La Finance dirige le monde. Changeons. Dirigeons la Finance »”

D’autres stages l’amènent à Bangalore, sorte de Silicon Valley indienne, où elle découvre le crowdfunding et le microcrédit, et en Chine.

Malgré la distance et les décalages horaires, Julien et Eva continuent de s’appeler régulièrement pour faire un point sur leurs projets.

Eva

“Hey Ju, pas trop dur le rythme indien ?

Je me disais pourquoi pas créer une plateforme pour la diaspora des pays africains, pour investir dans des projets équitables et durables, dans leurs pays d’origine ? »

Julien

“Carrément.

D’ailleurs, t’as vu Marc Simoncini organise un concours, 10 000 euros à la clef pour monter sa boîte.”

En 2013, Eva et Julien bossent jour et nuit pour développer la plateforme et tenter de remporter le concours.

Mais leur projet n’est pas retenu.

La législation est différente selon les pays, ils n’y avaient pas pensé. Leur idée de plateforme est trop ambitieuse.

Les deux amis rentrent en France en 2014. Leur envie de révolutionner le système est toujours aussi forte.

Eva

“Monsieur Bonnel, j’ai peur de m’ennuyer pendant cette dernière année de master.

Est-il possible d’intégrer l’incubateur de l’école ?

Avec mon meilleur ami, on souhaite créer une banque privée solidaire pour rendre la finance éthique et j’ai besoin de votre aide.”

Devant l’énergie et la volonté de la jeune femme, le directeur de l’EM Lyon accepte.

A 24 ans, Eva et Julien cofondent 1001pact, une plateforme en ligne qui permettrait à des particuliers ou à des professionnels d’investir dans des projets qui sont dans l’économie réelle, engagés dans la transition écologique, sociale.

Julien

“Bon bah vu qu’on a pas les moyens de se payer un avocat, j’ai dépensé nos dernières économies dans un magnifique code monétaire et financier !”

Eva

“T’es con, Ju.

Je te promets que si on a l’agrément, je fais les fonds de poche pour du champagne !”

En 2015, l’agrément en tant que conseiller en investissements participatifs leur est délivré par l’Autorité des Marchés Financiers.

Julien

“700 000 euros !! Eva tu te rends compte 700 000 euros !”

En mai 2016, la plateforme lève 700.000 euros lors d’un premier tour de table.

Puis en vue de son développement international, 1001pact change sa dénomination commerciale en 2017.

Le petit succès Lita & Rift

Eva

“Ju, j’ai bien réfléchi, si on appelait la plateforme Lita ?

C’est facile à dire, à écrire, à prononcer dans à peu près toutes les langues puis je trouve que ça sonne féminin, j’aime bien.”

Julien

“Leave Impact Trust Act : LITA !

Reprenez le pouvoir sur la finance !”

En 2018, plus de 4500 particuliers font confiance à la plateforme. Lita a déjà collecté 12 millions d’euros pour 35 entreprises aidant à la création de 1.600 emplois.

Eva

“Avec la plateforme Lita, un particulier peut investir, à partir de 100 euros ,dans un projet social et solidaire.

Par exemple, en 2021, le label Emmaüs a pu récolter 63 000 euros et former pas loin de 1000 personnes dans un but de réinsertion.

Je vous remercie de votre intention et j’espère vous avoir convaincue.

Est-ce qu’il y a des questions ?”

Un interlocuteur

“Comment, en tant que particulier, faire confiance à votre plateforme? être sûr que mon investissement est réellement utilisé dans les projets que vous proposez ?”

Eva

“La transparence est au cœur de Lita.

Nous organisons des visites des entreprises partenaires de la plateforme puis nous remettons à chaque investisseur un livret dans lequel sont expliqués ses investissements.”

Lita a ainsi permis , entre autres, le lancement de Solifap, une plateforme de récolte de fonds de la Fondation Abbé Pierre ou encore la formation de banquiers dans des produits de finance solidaire.

En février 2023, le décompte de la page d’accueil de Lita indique que 56 722 investissements ont été réalisés, 15 296 emplois ont été créés ou consolidés et 110,7 millions d’euros collectés!

Présente en France, Belgique et Italie, la plateforme emploie une quarantaine d’employés et souhaite se développer dans d’autres pays européens.

Et Eva veut encore aller plus loin

Eva

“Ju, il faut qu’on aille plus loin. Il faudrait que les particuliers sachent où leur banque investit leur argent. J’aimerai créer une sorte de Yuka de l’épargne”

Julien

“T’es prête à te bouffer de la data jour et nuit ?”

Eva,

“Depuis le code monétaire en livre de chevet, je n’ai plus peur de rien”

Pendant deux ans, le duo va travailler d’arrache pied pour constituer une base de données à partir des livrets de toutes les banques, des assurances vie et de tous les produits d’épargne existants.

Eva

“Nan mais Julien, c’est dingue cette opacité, pour la plupart des produits c’est impossible de savoir où va l’argent des épargnants”

Julien

“Et le plus choquant, c’est que la plupart des données des banques françaises on doit les acheter aux Etats-Unis !”

Eva

“Ça me tue, perso”

En 2020, Rift voit enfin le jour.

Une semaine après son lancement, l’application compte déjà entre 6.000 et 7.000 utilisateurs.

Financé par Lita.co, Rift emploie aujourd’hui cinq personnes et a levé un million d’euros auprès d’investisseurs privés et du fonds Sycomore AM.

Aux manettes de Lita et de Rift, rien ne semble arrêter Eva. Elle a l’engagement vissé au corps.

Épilogue : une entrepreneuse activiste

Julien

“Ah, t’as remplacé le code monétaire par Nietzsche ?”

Eva

“Oui je viens de m’inscrire en cours du soir en Philo.

Les médias me sollicitent de plus en plus et j’ai besoin de structurer ma pensée, prendre du recul.

j’ai besoin de me sentir légitime dans mes engagements et je sais pas, je sens que la philo peut m’aider.”

Pour Eva, sa vision de changer les choses doit aller au-delà de son entreprise.

En plus des cours de philo, elle concrétise son envie par plusieurs heures de lobbying par semaine. Elle devient le porte-voix naturel du collectif “nous sommes demain”.

Elle s’engage aussi pour une meilleure représentation des femmes dans la Tech et appelle à un leadership éco-féministe pour renverser les rapports de domination et construire une finance « au service de » .

En 2020 elle devient co-présidente du Mouvement Impact France, une organisation qui a pour objectif de concurrencer le MEDEF.

Journaliste

“Entrepreneuse, techno-militante, écoféministe, activiste, lobbyiste et maintenant écrivaine, rien ne vous arrête Eva Sadoun ?”

Eva

“J’avais besoin de poser mes pensées pratiques et théoriques.

“Une économie à nous” est un manifeste politique pour changer les règles du jeu de l’économie.”

Journaliste

“Je rebondis sur le mot “politique”, vous êtes considérée comme l’une des femmes providentielles dont le monde de demain aura besoin.

N’avez-vous jamais envisagé une carrière en politique ?”

Eva