La visio n’a pas commencé que Sylvain est déjà connecté dans la salle d’attente. Ponctuel, il apparaît spontanément derrière l’écran. Cheveux bruns soigneusement coiffés en arrière, fond flouté, d’emblée tout apparaît soigneusement maîtrisé chez ce presque quarantenaire. Ses premiers mots sont pour s’excuser du rendez-vous raté la veille. On le sent sincèrement désolé pour son interlocuteur.
Les paroles prononcées ne sont pas dites en l’air. Sylvain a horreur de la parole travestie : chez lui et chez les autres. Quand on parle, on ne raconte pas n’importe quoi, même si cela va dans le sens de ce que l’on pense.
Fondateur de Le Bahut, une école de digital learning management, qu’il dirige depuis deux ans, il consacre aussi un tiers de son temps à “C’est vrai ça” une page LinkedIn de débunkage des contre-vérités et autres théories complotistes.
Je vous emmène aujourd’hui sur les traces de Sylvain Tillon, un multi-entrepreneur lyonnais qui aura tout connu.
Table des matières
Entreprendre, se défier, se tester
Épilogue – Construire un cadre pour en sortir
Entreprendre, se défier, se tester
La première vérité que chasse Sylvain, c’est la sienne et ce, depuis qu’il est étudiant. Il sait déjà qu’il carbure à la colère et au défi. Le défi se révèle un excellent outil pour apprendre à se connaître. Étudiant, il organise avec succès la plus grosse soirée prépa de France. Il monte également un club d’investisseurs au sein de sa prépa avant de voir le projet capoter. Les responsables de son école interdisent le projet.
Dans son école de commerce, il ne trouve pas plus d’enthousiasme – c’est un euphémisme – face à son projet d’entreprise de bijoux de cheveux. Paradoxalement, le manque de confiance qu’on lui accorde déclenche chez lui un puissant désir d’action. Il monte alors sa première boite qui dure six ans, voyage au Japon et aux USA pour vendre ses bijoux de cheveux. Une expérience où il se révèle travailleur acharné. Il n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis quand il ne les met pas dans les cheveux des Miss France pour y glisser ses bijoux.
La fin se termine dans la douleur : concurrence plus qu’agressive, vol de produits par un tiers de confiance, procès avec la banque. Sylvain termine au tribunal avec des dettes mais aussi la certitude que l’entrepreneuriat, c’est son truc.
C’est pourquoi, bien que endetté, il préfère remonter une nouvelle boîte que de se retrouver salarié. L’expérience aidant il s’oriente dans la conseil où si l’on bosse beaucoup, l’on gagne beaucoup.
Encore aujourd’hui, il parle de Sydo avec fierté, heureux de voir la société qu’il a lancé vivre sa propre vie, sans lui, un peu comme un parent regarde la carrière de son enfant.
Un défi, des défiances
Tout va bien et Sylvain commence à s’ennuyer. Comme le goût du défi ne le lâche pas, il lance en 2014, Tilkee, une nouvelle start-up qui développe un logiciel de Tracking commercial.
Les relations de Sylvain et de ses investisseurs sont tendues. Il songe à partir mais sent que ce n’est pas le bon moment, la boîte n’est pas assez solide. Méthodique, il engage quelqu’un pour le remplacer à horizon de six mois. Il ne veut pas lâcher ses salariés dans la nature. Pourtant c’est déjà trop tard. Ses investisseurs ont moins de scrupules que lui. Ils proposent de l’argent à son associé pour qu’il vire Sylvain. Quand il l’apprend de la bouche même de son associé, Sylvain comprend alors qu’il doit partir. On ne veut plus de lui. Ce constat agit comme une libération. Il reconnaît lui-même que ses difficultés professionnelles le rendent méchant jusque dans ses relations personnelles et intimes.
Il part et la suite lui donne raison, 26 salariés quittent dans les six mois la société, soit licencié, soit par convenances personnelles.
Remonter en pente douce
Lui se retrouve au fond du trou. Il a besoin d’un nouveau défi pour rebondir et ce sera Le Bahut. Une école qui propose à un public en reconversion ou demandeur d’emploi de les former aux outils et pratiques de learning management. Un défi, car Sylvain a quatre mois pour lancer le premier programme avec l’accord de la présidente de Sydo. Quatre mois plus tard, alors qu’il accueille ses premier étudiants, Sylvain reconnaît avoir pleuré, bouleversé par la confiance que lui offraient ses premiers apprentis.
Deux ans plus tard, Le Bahut affiche un joli résultat avec trois promos de vingt-cinq personnes et 100% des anciens en poste.
Sylvain le reconnaît avec sa nouvelle société, il s’est offert un environnement qui le pacifie et l’aide à mettre plus d’équité dans son monde au quotidien.
Il ressort à ce sujet une anecdote personnelle. Étudiant, il part à Malte pour découvrir l’étranger. Sans le sou, il travaille dans un restaurant où, le jeune français qu’il est, découvre que les cuisiniers sont payés en fonction de leur nationalité. Ses premiers mots concernant Le Bahut sonnent vingt ans plus tard comme une réponse à ces discriminations d’un autre âge :
“On recrute nos élèves sur personnalité et motivation et non pas sur diplômes parcours, âge, sexe, couleur de peau ou religion”.
Épilogue – Construire un cadre pour en sortir
Aujourd’hui, Sylvain reconnaît lui-même trouver sa liberté d’entrepreneur et plus étonnamment celle de compagnon et de père dans le cadre qu’il pose. L’homme des défis et parfois de la colère sait combien il a besoin d’anticiper et de prévoir les choses pour s’en libérer. Il est d’ailleurs en train de faire son visa pour son prochain grand projet, partir au Canada. Il a même déjà trouvé l’école pour sa fille. Une aventure qu’il entame comme une demi-année sabbatique.
Une nouvelle histoire à écrire et peut-être bientôt à écouter 😉
Et ça, c’est une autre histoire.