Jacques-Antoine Granjon: comment un rockeur a fait de Veepee une licorne ?

Jacques-Antoine Granjon est le fondateur de Vente-Privée. Ce fils d’entrepreneur au look de rockeur et grande gueule a créé un empire.

Le podcast sur Jacques-Antoine Granjon

La biographie de Jacques-Antoine Granjon

  • 1962 : Jacques-Antoine Granjon naît le 9 août 1962 à Marseille, en France.
  • 1985 : Jacques-Antoine Granjon crée avec Julien Sorbac, la société Cofotex, une société spécialisée dans la vente de fin de séries.
  • 1996 : La Cofotex s’installe à la Seine Saint Denis. La société est alors leader européen de la solderie et affiche un confortable chiffre d’affaires de quatre vingt millions de francs.
  • 2001 : Jacques-Antoine Granjon fonde Vente-privee.com, un site de ventes privées en ligne qui offre des remises sur des produits de grandes marques.
  • 2005 : Vente-privee.com connaît un grand succès et se développe rapidement en Europe, devenant l’un des leaders de l’e-commerce en France.
  • 2019 : Jacques-Antoine Granjon change le nom de l’entreprise pour Veepee, pour mieux refléter sa présence internationale et sa diversification vers de nouveaux secteurs.

L’histoire résumée de Jacques-Antoine Granjon

Jacques-Antoine Granjon a fondé Veepe (anciennement Vente-Privée) après de nombreuses tentatives pour investir internet. Pour ce fils et petit-fils d’entrepreneur, le chemin paraissait tout tracé. Au démarrage, tout ce qui l’intéressait, c’était se faire de l’argent pour impressionner sa famille et les filles. Après une école de commerce, l’EBS, il fonde la Cofotex avec Julien Sorbac. Le principe ? Racheter les invendus des marques pour les revendre. Le métier de soldeur. Mais les premiers deals ne se passent pas bien. Ils perdent de l’argent. Jacques-Antoine apprend vite. En l’espace de 10 ans, la Cofotex va chercher de jeunes marques partout et explose son chiffre d’affaires. Ils roulent en Porsche et fréquentent les meilleurs restaurants de Paris.

Puis en 1996, ils s’installent à Saint-Denis… JAG demande à ce que les ouvriers installent des prises pour internet.. il se dit que cet “internet” a un vrai futur. Mais il multiplie les échecs. Investissements ratés, erreurs en bourse, associé mal calibré. C’est finalement un panneau sur le périphérique parisien pour une pub qui lui donne l’idée. Il lance Vente-Privée en 2001. Mais avec l’éclatement de la bulle internet, la méfiance à l’achat sans essayer, les débuts sont difficiles. Un deal raté menace même l’existence de Vente-Privée.

Pourtant en 2010, la société fait 1 milliard d’euros de ventes ! Logistique, mise en avant des produits et service client, tout a été repensé. Mais Jacques-Antoine Granjon a toujours faim. Il s’attaque à l’international, le Royaume-Uni puis les Etats-Unis. Mais c’est un échec. Et JAG, il déteste les échecs. Il en a même peur.

Jacques-Antoine Granjon: comment un rockeur a fait de Veepee une licorne ?

“Et merde”

Jacques-Antoine Granjon vient de lâcher un dernier juron exaspéré. À quoi ça sert de payer une blinde, une voiture de sport si c’est pour se faire doubler par une Renault Espace ? 

Cette pensée le ramène aussitôt à son business. Il a déjà englouti des millions sur le web mais toujours rien. Il a bien du trafic sur son site mais quasiment pas de vente. 

En 2001, les français n’achètent pas des articles qu’ils ne peuvent pas essayer.

“Ah les cons !”

Vitupère-t-il à l’adresse des conducteurs de la file de gauche qui ont à nouveau la possibilité d’accélérer alors que sa file ralentit, puis s’arrête.

Quasiment à l’arrêt, il doit s’infliger le paysage monotone de ce bout de périphérique parisien aussi laid que le ciel blanc laiteux de ce début de janvier.

Seul dépareille ce gros panneau en 4 par 3 avec son logo rouge Carrefour et son slogan de camelot  :

« 300 voyages à 100 francs et pas un de plus ! »

“Oh le con !”

L’image vient de lui transpercer la rétine. Une vente flash, il va faire une vente flash. Le combo d’une promesse alléchante et d’un temps restreint, c’est diablement malin. Cela va lui permettre de lever les derniers freins de ses clients.

Il en est sûr !

Est-ce le trafic où l’idée qu’il vient d’avoir, il semble à Jacques-Antoine qu’il parcourt les derniers kilomètres vers son siège de Saint Denis en un éclair.

Je vous raconte aujourd’hui, l’histoire de Jacques-Antoine Granjon, l’entrepreneur aussi Rock’n roll que son idole, Johnny Hallyday. L’homme qui va inventer la vente événementielle sur internet chaussé d’une paire de boots et vêtu d’une veste à frange. 

Table des matières

Des débuts compliqués mais une réussite forte

Internet, un bouleversement, JAG apprend et se plante

Lent décollage et une erreur presque fatale

La confirmation et l’international difficile

Épilogue – La peur de l’échec

Des débuts compliqués mais une réussite forte

Ce 9 août 1962 à Marseille, Jacques-Antoine Granjon affiche un look plus classique dans ses langes de nouveaux né. Il vient d’arriver, sous la garde de la Bonne mère, dans une famille bourgeoise de la ville. Son père est un entrepreneur reconnu, son parrain aussi jusqu’à sa grand-mère fabricante des premiers yaourts Chambourcy.

C’est à sa mère, avocate, que Jacques-Antoine veut d’abord faire plaisir. Et dans un premier temps le meilleur moyen est d’obtenir des bonnes notes à l’école.

Sa famille de retour à Paris, il affiche une scolarité sans problème du Lycée de Jésuite dans le 16e à Paris à l’European Business School. 

Pour autant, dès le début Jacques-Antoine ne se contente de faire plaisir à ses parents. Il affiche un caractère résolument libre et une recherche d’indépendance

Posters, fringues, montres: étudiant, il revend tout ce qu’il peut avec un seul but : gagner de l’argent pour financer les restos avec ses copines et les boîtes de nuit qu’il écume.

À 23 ans, fraîchement diplômé, il n’a qu’une envie : devenir entrepreneur. Il se tourne alors vers l’entrepreneur le plus connu de la famille, Pierre Bellon, son oncle et accessoirement fondateur de… Sodexo.

“Tonton Pierre, vraiment je sens que je vais m’embêter à travailler pour un patron…”

“Jacques, pourtant il va bien falloir t’y faire, il faut bien commencer quelque part.”.

“Tu pourras pas me prendre chez toi, je ne sais pas je pourrais travailler au contrôle de gestion ou à la compta…”

“Je vais voir ce que je peux faire…”

Le patron de Sodexo a une petite idée pour son neveu. Il l’aime bien même s’il désapprouve sa chevelure de hippie.

“Jag ! Combien de fois je te l’ai dit, mets ta charlotte correctement.  Hors de question que les clients se retrouvent avec un cheveu dans leur salade parce que le neveu du big boss se croit tout permis !”

Jacques-Antoine, préposé au lavage des salades de ce restaurant Sodexo de la Défense, baisse la tête. Il enrage. Il repense à son oncle qui doit bien rire dans son bureau de la tour Sodexo.

Une fois sa colère digérée, il se jure de ne plus jamais avoir de patron et surtout de ne plus jamais se couper les cheveux.

Le tout jeune patron quitte alors l’esplanade de la Défense pour la rue Pierre Chausson. Deux salles, deux ambiances. Cette rue du 10e arrondissement de Paris où il installe ses locaux avec son associé Julien Sorbac est alors plus connue pour ses prostituées et ses bars sordides.

JAG et Julien sont installés là car c’est ici que travaillent  les soldeurs, leur nouveau métier. Ils ont en effet créé la Cofotex (compagnie franco-orientale de textile.), une société spécialisée dans la vente de fin de séries.

Papa Granjon prête 20 000 francs pour démarrer l’affaire et pour Jacques-Antoine, c’est alors impossible d’échouer. Il déploie toute son énergie dans cette activité.

Mais l’énergie ne remplace pas la compétence et Jacques-Antoine doit d’abord apprendre. Un apprentissage qui se fait au dépend de sa bourse.

Comme avec les 500 chemises achetées 20 francs pièces qu’il ne revendra jamais plus de 10 francs

Ou les 2000 robes qu’il met 6 mois à revendre

L’addition est lourde mais petit à petit Jacques-Antoine comprend le marché. Imitateur instinctif, chaque partenaire, fournisseur ou client qui le roule lui offre l’occasion d’apprendre un nouveau mode de fonctionnement.

Et bientôt le voilà loup, parmi les loups, avec une chose en plus : un instinct redoutable pour détecter les nouvelles tendances.

Un instinct qu’il suit jusqu’au bout de la nuit.

“Julien, on y va, il est six heures !”

“Jacques, non, laisse-moi tenter le coup avec la blonde”

“Putain, Julien il est six heures, on se lève dans deux heures à cause de l’avion..”

“Les meilleurs deals se signent sans dormir, Jacques. Les yeux encore plein des étoiles de la nuit.”

Jacques se résigne, il sait bien que son associé à raison. Ça fait dix ans que ça dure. Force lui est de reconnaître qu’il veut rentrer car il n’a aucune cible en vue.

Au petit matin, comme d’habitude, le deal avec Liberto est signé avec succès

Il faut dire que les compères ont mis au point une recette imparable. En veille permanente, ils n’attendent pas qu’une marque soit au goût du jour pour la démarcher. Dès qu’ils repèrent une société en train de monter, ils l’abordent et cherchent à acheter ses fins de stocks. Creeks, Kookaï ou autres Chevignon, ils sont sur toutes les marques tendances des années 80. 

Jacques et Julien incarnent ces années 80 dans toute leur splendeur.

Véhiculés dans leur Porsche, ils n’hésitent pas à parcourir 1000 kilomètres pour assurer un rendez-vous chez La Perla à Bologne.

Ils en ressortent avec culottes, portes-jarretelles et soutien gorges à balconnet. Et la bénédiction d’une grande marque qui consacre leur audace !

En 1996, ils s’installent à la Seine Saint Denis. La Cofotex est alors leader européen de la solderie et affiche un confortable chiffre d’affaires de quatre vingt millions de francs.

L’histoire est finie.

Enfin pas vraiment, elle commence en même temps que l’internet. 

Jacques-Antoine Granjon: comment un rockeur a fait de Veepee une licorne ?

Internet, un bouleversement, JAG apprend et se plante

“Bon, les gars on arrête 10 minutes tout ce bazar qu’on puisse réfléchir”

Jacques-Antoine en est à la troisième visite de chantier de la semaine en ce mois de juillet 1999. Il veut pouvoir installer dans l’ancienne imprimerie du monde, ses salariés, ses stocks et ses œuvres d’art. 

“C’est quoi ces tranchées ouvertes un peu partout ?”

“C’est pour les prises, monsieur Granjon..”

“Ah très bien. et elles sont où les RJ45 que j’ai demandé..”

“Elles arrivent avec les câbles. On a laissé les tranchées ouvertes pour les faire passer.. “

Béton ciré, style industriel, Jacques-Antoine veut donner à voir sa société à ses visiteurs. Elle doit incarner la modernité. Et quoi de plus moderne que d’installer des prises RJ45 pour amener de l’internet. 

Personne ne lui a conseillé d’installer ses prises mais lui d’instinct a fait ce choix. JAG sent les changements. Sa stratégie, il le dira plus tard, il l’a construit au jour le jour.

Le monde du textile évolue aussi. De nouvelles marques apparaissent comme Zara ou H&M et revendiquent une image de luxe abordable. Pour ces marques qui investissent les centres ville, hors de question de voir leurs destocks vendus à proximité.  

Il y a cette nouvelle complexité et puis JAG et ses associés voient bien apparaître le monde de l’internet. Un monde tellement loin de leur quotidien de soldeur et pourtant – comme le pressent Jacques-Antoine- tellement riche de promesses. 

JAG veut être libre et indépendant. La bourse avec les valeurs technologiques va lui permettre de tester et de mieux connaître “l’internet”.

Mais, six mois plus tard, il perd 75% de son capital. S’il s’est appauvri, il a appris une nouvelle chose sur lui. La bourse ne l’a jamais intéressé. Il comprend qu’il ne peut réussir dans ce qui ne l’intéresse pas. 

Début 2000, c’est un banquier italien qui vient combler sa frustration de l’internet. Il lui propose un investissement dans un projet de marketplace textile. Il injecte alors 1 million de francs et prend une place au conseil d’administration pour le quitter avec perte et fracas quelques mois plus tard. 

Il rate à nouveau le coche de l’internet. L’occasion de comprendre qu’il ne peut pas réussir dans un business qu’il ne maîtrise pas. 

Alors quand un ami d’un de ses associés, Michel, vient le voir pour lui proposer de lancer – rien de moins – que son propre site de déstockage, il est méfiant.

Il saisit pourtant l’opportunité et six mois plus tard, le jeune loup de l’internet lui annonce qu’il est prêt à lui proposer le business model. 

“N’importe quoi ! Michel, c’est du grand n’importe quoi.”

“Jacques-Antoine, je t’assure que ça va marcher la mise de départ est importante mais..”

“Importante.. ? Délirante oui ! Trois cent putain de millions d’investissement publicitaire..Tout ça pour vendre un pantalon à vingt euros.. On nage en plein délire !”

Jacques-Antoine sort du bureau furieux et arrête immédiatement les frais qui se montent déjà à un million de francs.

Il n’est pas le seul à s’inquiéter, ses associés réfléchissent aussi de leurs côtés. Ils parlent de monter des boutiques en “dur” : des magasins de discount. Eux voient aussi l’opportunité d’internet se dérober.

Jacques-Antoine doute. Il faut dire qu’entre son divorce et le déménagement, le besoin d’argent se fait pressant.

Il ne voit aucune raison que son commerce ne puisse pas se digitaliser. Mais comment ? C’est sur ce mur qu’il n’a de cesse de se fracasser jusqu’au jour où, forcé de freiner, il lève enfin la tête sur le périphérique. 

Jacques-Antoine Granjon: comment un rockeur a fait de Veepee une licorne ?

Lent décollage et une erreur presque fatale

“Thomas, vous m’annulez le call de midi et vous me le remplacez par un meeting dans mon bureau avec tous les associés !”

“Euh.. Bonjour..”

“Oui, oui bonjour et tâchez de me trouver un visuel de la nouvelle pub Carrefour ..”

“La nouvelle..”

“Oui, 300 voyages à 100 francs et pas un de plus !”

Jacques-Antoine passe le restant de la matinée à gratter son paperboard pour préparer la réunion. 

Lorsque les sept associés entrent dans son bureau, les visages sont au mieux interrogatifs, au pire inquiets.

Les uns et les autres s’entassent sur le canapé gris dont le tissu douteux rappelle qu’il accompagne JAG depuis de nombreuses années. Un seul nouvel objet trône dans le bureau, un tigre grandeur nature au regard fixe et à la tête entourée d’un bandage Velcro.

“C’est un Pascal Bernier, ma dernière acquisition, il est tiré d’une série qui s’appelle “Accident de chasse.” Chouette non ?” 

Son interlocutrice acquiesce d’un regard dubitatif.

“Bon ! Je ne vous ai pas fait venir pour parler art contemporain !”

“J’espère parce que…”

“Oui, oui, je sais la réunion de dernière minute, les obligations des uns et des autres…”

“Oui donc…”

“Donc j’ai bien réfléchi, on s’éparpille, on a pas de stratégie, on…”

“perd de l’argent ?”

“Oui on a perdu mais c’est fini ! j’ai eu une idée. Dès qu’on a un stock, on photographie chaque produit comme une œuvre d’art, on le met en scène. Puis on l’upload sur internet pendant un temps réduit, une à 5 heures maximum.”

“Mais personne ne va..”

“Si, tout le monde va acheter parce qu’on va leur envoyer un mail leur disant que le produit de leur vie est disponible pour quatre heures uniquement !”

Ses associés hochent la tête convaincus cette fois. JAG va déployer son métier sur internet.

Les statuts de Vente-Privée sont déposés le 1er janvier 2001.

Quatre personnes sont seulement salariées sur le projet. Les ventes sont marketées comme de petits événements. Malgré une exécution parfaite et malgré le système de parrainage, novateur pour l’époque,  les premières années sont difficiles. 

À tel point que face aux pertes en 2003, JAG fait procéder à un vote pour savoir si on continue le projet. 

La continuation est approuvée de justesse à quatre voix sur sept.

Il faut dire que la France de 2003 est méfiante face aux start-ups. L’éclatement de la bulle internet et le paiement d’un produit qu’on ne peut pas essayer rend les gens suspicieux.

Mais JAG est persuadé que ça va marcher, c’est son idée contrairement aux business précédents. Une idée qu’il suit de près. Alors cet après-midi du 4 décembre 2003, c’est un homme ravi qui croise la directrice générale de Vente-Privée dans les couloirs.

“Bravo pour ce super coup avec Lise Charmel !” 

“Tu rigoles JAG, j’espère.. Tu n’as pas eu mon message ? On est dans une merde noire. Chez Lise Charmel, ils se sont trompés dans les listings. On ne peut pas livrer.”

La nouvelle agit comme un coup de marteau sur JAG. Il retourne sonné dans son bureau accueilli par le regard ironique de son Tigre, celui-là même tiré de la série « accidents de chasse ».

Le choc passé, JAG retombe sur ses pattes. Il comprend que s’il n’agit pas c’est la fin de Vente-Privée. En deux jours, avec son équipe, il envoie plus de 500 000 emails à ses clients. Il leur explique l’erreur, détaille ce nouveau métier qu’est internet pour eux. Bref, il assume et met les moyens, en mobilisant plus de dix collaborateurs pour répondre au téléphone.

La crise passe de justesse. Pour Jacques-Antoine, elle est salutaire. Elle va lui permettre de définir une nouvelle organisation pour Vente-Privée. 

D’abord, il prend la tête opérationnelle de sa filiale internet, convaincu de son potentiel mais aussi de sa fragilité. Ensuite, il met le service client au cœur de la stratégie. Idem pour les stocks dont il renforce le contrôle. Enfin, il restructure l’activité en quatre branches distinctes : informatique, logistique, production et service client.

Et ça marche. Le paquet est mis sur l’esthétique avec des photographes triés sur le volet pour shooter les produits. Une place VIP est même identifiée sur le site pour les marques qui ne veulent pas de l’image low-cost d’une solderie. 

Les produits de Vente-Privée entrent maintenant dans les foyers des français au même rythme que l’ADSL.

En 2010, Vente-Privée réalise 1 milliard d’euros de chiffres d’affaires. On est loin des 20 millions de 2004.

Jacques-Antoine se sent maintenant tout prêt de décrocher la lune : se développer à l’international.

Jacques-Antoine Granjon: comment un rockeur a fait de Veepee une licorne ?

La confirmation et l’international difficile

Toute la réussite de Vente-Privée durant ces années tient dans un savant mélange: rendre glamour ce qui ne l’est pas. Jacques-Antoine a un don pour l’image et son amour de l’art contemporain n’y est sans doute pas pour rien.

C’est cette histoire que racontent ces locaux de Saint-Denis. Au lieu de trouver des entrepôts poussiéreux, dès les années 2010 on y croise des centaines de salariés, photographes graphistes et designers dont l’unique objectif est de valoriser le produit. 

À tel point que l’on peut encore se demander si l’on est dans une solderie.

JAG le sait, il est très loin de la sordide rue Pierre Chausson

“Allô Françoise, comment vas-tu  ?”

“Bien Jacques-Antoine, je te remercie.” 

“Tu as réfléchi à mon offre, tu sais qu’on lance le service en septembre ?”

“Oui, écoute, je suis embêtée, jusqu’ici tu prenais nos invendus mais là c’est la nouvelle collection. On joue notre image.”

“Oui, Françoise, j’entends bien mais ce que tu dois garder en tête c’est que nous sommes la quatrième marque préférée des français. Tu vends sur les Champs-Élysée du web. “

Et Françoise prend finalement le même chemin que toutes les grandes marques françaises, elle accorde à Vente-Privée des produits en exclusivité dès septembre 2014.

10 ans après son lancement, Vente-Privée est un succès phénoménal.

Textiles, gastronomie, vin, voyage spectacle, Vente-Privée est partout. 

Partout ? Malheureusement, non,  un petit village gaulois résiste encore. 

Présent en Espagne et en Allemagne, Jacques-Antoine veut traverser la Manche.

Malheureusement le système de parrainage ne prend pas, la culture anglaise ne s’y adapte pas. 

Malgré trente salariés sur place et plusieurs millions investis, c’est un échec.

Une semi échec pour JAG qui préfère parler d’expérience dont il a stoppé les conséquences hémorragiques à temps. 

Une sorte de bac à sable pour s’entraîner pour plus grand.

Et plus grand c’est l’Amérique.

“Messieurs, c’est un honneur pour moi de recevoir American Express dans mes locaux.” 

“Monsieur Granjon, nous sommes ravis d’être ici ! Vos locaux, et notamment votre Digital Factory, sont impressionnants.”

“Merci, j’imagine que vous n’êtes pas venus en Seine Saint Denis pour voir mes locaux ?”

“Non, nous avons une proposition à vous faire, travailler avec nous pour conquérir le marché américain.”

À ce moment-là, même rendu prudent par son expérience anglaise, JAG ne peut s’empêcher de voir défiler devant ses yeux les 42 millions de membres actifs d’Amex.

C’est décidé en 2011, Vente-Privée s’associe à hauteur respective de 40 millions de dollars. Objectif : 500 millions de dollars de chiffres d’affaires en trois ans.

Moins de temps que ne durera la lune de miel entre les deux partenaires.

“C’est quoi cette publicité Facebook sur mon site ?”

“Ce sont les normes du marché américain, monsieur Granjon !”

“Alors si on gagnait des parts de marché avec des normes ça se saurait, enlevez-moi ça.”

“Je ne peux pas, il faut voir directement avec le chargé de suivi chez Amex.”

La déconvenue est amère non seulement, Vente-Privée ne réalise que 50 millions de dollars en deux ans mais Jacques-Antoine réalise aussi que l’opérationnel est largement contrôlé par les américains.

Le torchon brûle et Vente-Privée, devenu Veepee en 2011, se retire du marché américain.

Un échec dur à encaisser pour Jacques-Antoine dont la peur d’échouer n’est jamais très loin.

Une peur irrationnelle avec un CA de 4 milliards et 5000 personnes mais une peur quand même.

Jacques-Antoine Granjon: comment un rockeur a fait de Veepee une licorne ?

Épilogue – La peur de l’échec

Une peur face à laquelle sa Bentley rose framboise ou sa Rolls Corniche de 1971 ne peuvent grand chose.

Il reconnaît se lever tous les jours avec ses humeurs, ses angoisses, ses doutes.

La peur l’habite. 

La peur de décevoir sa mère ? Son père ? 

La peur de trahir le modèle familial et ses deux fondamentaux : 

Ne pas divorcer. 

Ne pas faire faillite.

En divorçant dans les années 2000, il a franchi un premier tabou. 

Mais la faillite. Jamais.

Il a perdu des combats économiques, la conquête de l’Angleterre ou celle des États-Unis.

Il a perdu de l’argent, parfois des millions, mais il n’a jamais fait faillite, il s’est toujours arrêté à temps.

Entrepreneur à succès mais entrepreneur prudent. Il n’a pas quitté le giron familial et son injonction “Ne pas faire faillite.”

S’il prend des risques, c’est en bon père de famille, il ne dilapide pas son capital.

On a l’impression que la réussite de Jacques-Antoine tient dans ce paradoxe qu’il vit chaque jour : se rassurer face à l’échec et suivre son instinct pour exister.

Une corde raide sur laquelle il marche, funambule du quotidien, un petit pas par jour.

Il a conscience que tout est fragile, que tout peut s’arrêter du jour au lendemain.

Comme le tigre de son bureau, il n’est jamais à l’abri d’un accident de chasse.

Et ça c’est une autre histoire.

Jacques-Antoine Granjon: comment un rockeur a fait de Veepee une licorne ?

Notes

Grandeurs et Misères des stars du net – Capucine Graby et Marc Simoncini

Livre – Ces entrepreneurs made in France – Patricia Salentey

Veepee – Wikipédia

Jacques-Antoine Granjon – Wikipédia

Jacques-Antoine Granjon, le  » soldeur esthète « 

[BEST OF] 40 nuances de Jacques Antoine Granjon – Veepee – Part 2

Qui est Jacques-Antoine Granjon, patron de vente-privee.com, roi des démarques sur internet

Dans les coulisses de la guerre de Vente-privée contre Showroomprivé – Challenges

Interview de Jacques-Antoine Granjon

Pourquoi vente-privee.com se retire du marché américain

Jacques-Antoine Granjon (Veepee) :  » J’ai eu des doutes et je me suis souvent trompé « 

Jacques-Antoine Granjon, le roi du déstockage en ligne